74.NUKU HIVA

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Nous sommes aux Marquises, l’archipel le plus au nord parmi les 5 archipels qui constituent la Polynésie. Ce sont des îles
aux structures volcaniques fortement érodées et qui offrent un paysage montagneux abrupt, constellé de vallées étroites aboutissant à des plages courtes aux eaux profondes. Les Marquises ne possèdent pas de barrière de corail. Nous quittons Hiva Oa vers 3h du matin (nous voulons être sûrs d’avoir de la marge et arriver de jour à Nuku Hiva). Au milieu de la traversée, Adrien hurle et au même moment nous sommes freinés brutalement : nous avons accroché une énorme nasse (probablement décrochée d’un parc à huitres). Nous sommes sous parasailor, et nous sommes passés de 8-9 nœuds à 2 nœuds en 2s ! Heureusement pour nous cette nasse a eu la bonne idée de se détacher toute seule et nous avons eu plus de peur que de mal. Nous pénétrons dans la baie profonde de Taiohaé au sud de Nuku Hiva vers 15h sans plus d’incidents.

Il y a en permanence une cinquantaine de bateaux mouillés dans la baie, malgré une houle qui entre parfois.

Nuku Hiva est la plus grande des îles marquisiennes et le chef lieux est Haiohae.

C’est là que mes hommes et Ylang resterons 2 mois. Je retourne remplir la caisse de bord, pendant qu’Adrien boucle son année scolaire et que Martial soigne toutes les petites blessures d’Ylang.

Au bout du quai il y a le snack d’Henri où ils ont mangé tous les jours : bon, pas cher et avec des sourires quotidiens Marquisiens.

Le snack est décoré de régimes de bananes et les gens qui ont consommé peuvent se servir à leur guise.

Adrien a mangé pratiquement tous les jours le même plat, d’où son surnom marquisien : « Mr Sashimi frites »

Henri fournit aussi un bon wifi et du coup son snack est le lieu de rencontre de tous les marins et de pas mal de locaux.

Bref un lieu où l’on se sent bien et incontournable à Nuku Hiva.

A notre arrivée nous retrouvons 2 connaissances :

-Nomadeus bateau rencontré à Joa Pessoa (Brésil) : Astrid et Jérôme avec leurs 2 filles. Elles ont fait leur année scolaire au collège de Nuku Hiva et qui entrainent Adrien un samedi après midi avec leur bande de copains. C’est Jérôme qui m’accompagnera à l’aéroport et en prime, il m’éclaire sur certaines facettes de la vie à Nuku Hiva.

-Jean Paul O, un copain de notre club de plongée de Nice, est sur son bateau en Polynésie depuis 2 ans. C’était improbable que nous nous croisions, mais le hasard fait bien les choses parfois. Echanges d’apéros, il nous donnera aussi pleins de tuyaux sur la navigation en Polynésie.

Nuku Hiva est ravitaillé comme toutes les îles des Marquises par le Taporo et l’Aranui qui passent toutes les 3 semaines. Mais du fait de sa grande baie, Taiohaé reçoit aussi des bateaux de croisière qui débarquent pour un jour ou deux des flots de touristes. Ce jour là il y a des animations, des danses sur le quai.

Et juste à la sortie du quai un grand marché artisanal

Avec son fabricant de ukulélés qui attire l’attention en jouant son meilleur récital, (il y a un instrument dans ses accompagnateurs qu’ils devraient breveter… J )

La petite ville est tirée à 4 épingles, tout y est propre et soigné.

La poste

L’entrée de l’église

 

En bord de mer un ancien centre de vie a été réhabilité, avec un mélange de statues offertes par des artistes contemporains, et de tikis d’origine.

Et un lieu d’habitation reconstitué

Nous avons loué une voiture pour visiter l’île. La route s’élève rapidement au dessus de la baie.

Nous nous dirigeons vers la baie du contrôleur à l’est de Taiohaé

Au fond de cette baie se trouve le village de Taipivai où se réfugia l’écrivain Hermann Melville (après avoir déserté son bateau). Il réussit à se faire adopter par les farouches Taipi et de cette expérience hors du commun il écrivit son roman Taïpi.

Nous traversons ensuite l’île vers le nord, direction Hatiheu. Passage d’un col sur une route tortueuse et caillouteuse, et juste après une vue magnifique sur la baie d’Hatiheu.

Un petit peu avant d’arriver au village la route traverse un site archéologique. A la descente de voiture une délicieuse odeur d’Ylang Ylang nous accueille. J’ai du mal à reconnaitre les arbres : ici ils sont sauvages et peuvent pousser en hauteur (contrairement à Mayotte où on les taille pour qu’ils restent accessibles à hauteur d’hommes).

Nous sommes dans un lieu très luxuriant, qui a été le lieu le plus habité de l’île.

Il y a de nombreux Pae pae : ce sont des plateformes composées de blocs rocheux, à 2 niveaux, sur laquelle étaient construites les anciennes habitations marquisiennes. L’avant était utilisé pour les activités quotidiennes, l’arrière surélevé, couvert servait de lieu de couchage.

Certaines ont été reconstruites à l’identique : le toit était réalisé à partir de palmes de cocotiers, les façades en feuilles (arbre à pain) et l’ensemble était soutenu par des poteaux en bois.

Les marquisiens avaient des techniques pour conserver la pulpe des fruits à pain jusqu’à un an ! pratique en cas de disette. Ils construisaient des genres de puits entourés de pierres où ils enfouissent le fruit à pain en vue de temps plus durs.

Nous suivons une petite piste qui nous emmène à des pétroglyphes. Leur signification n’est pas clairement établie. Ce sont des gravures sur une roche, mais très rudimentaires…eux qui étaient des grands sculpteurs, qui réalisaient des Tikis élaborés…. J’ai une théorie : c’était les débutants, les enfants de moins de 5 ans et les manchots qui réalisaient ces pétroglyphes. J

En redescendant nous passons par un Meae espace sacré et tapu (interdit) où se déroulaient les rituels. Seuls les prêtres et les chefs y ont accès. Il est généralement situé à coté d’un banian, l’arbre sacré.

Nous arrivons ensuite devant un Tohua : esplanade où se déroulaient les fêtes et les cérémonies publiques, comme les danses.

 

Apparemment il s’est déroulé dans cet endroit des fêtes qui ont réunit des milliers de marquisiens, venant des autres vallées et même d’autres îles !

 

Nous avons entendu un guide qui expliquait devant des roches creusées pour retenir l’eau, qu’à l’époque cela leur servait de miroir et donc qu’ils pouvaient admirer leurs tatouages dans cette eau.

Nous avons vu plusieurs fois des trous ronds dans des roches…dommage pas de guide dans les parages, je suppose donc qu’ils faisaient bruler des substances pour s’éclairer ou pour parfumer.

Nous continuons notre route vers le village de Hatiheu. Village de charme avec à l’ouest des pics basaltiques aux allures de château fort. Sur l’un d’eux, à 300m d’altitude une vierge a été hissée en 1872.

Juste à coté de l’église, c’est « chez Yvonne » dans le seul restaurant du coin que nous déjeunerons. Le repas est excellent sur une jolie terrasse sur le front de mer d’où nous pouvons admirer des morceaux de vie marquisiens.

En prime nous avons eu la chance d’avoir la patronne qui est venue s’assoir à notre table pour parler : elle est née ici et « aime sa vallée tranquille ». La vie n’est pas toujours simple, « le transport coute aussi cher que les marchandises », mais on la sent heureuse d’être là. Elle a refusé une offre de promoteur qui voulait monter un complexe hôtelier pour 300 pers. Je m’étonne : comment faire venir ici 300 pers. toutes les semaines? Mais elle n’est pas dupe Yvonne, ils veulent juste faire de la défiscalisation et ne pas assumer le projet après !

Nous apprendrons par la suite qu’Yvonne est une des personnalités de l’île, et c’est grâce à des gens comme elle que nous pouvons admirer des paysages encore vierges.

Nous reprenons notre route le long de la cote nord de Nuku Hiva.

Nous passons de crique en crique avec des points de vue tous magnifiques.

Jusqu’au village d’Aakapa… cadre naturel superbe avec ses pics acérés.

Impression de bout du monde. Nous croisons pas mal de séchoirs à coprah, seule ressource visible du village.

Le coprah est le résidu sec de la matière blanche qui tapisse l’intérieur de la noix de coco. Riche en matières grasses végétales, il est régulièrement collecté et acheminé jusqu’à Papeete. Là il est broyé, chauffé, pressé et raffiné dans une huilerie, et il est ensuite vendu à des industries alimentaires et cosmétiques. L’exploitation du coprah est relativement récente (1860) et constitue une activité économique essentielle dans de nombreux atolls et îles de Polynésie.

La piste entre Hatiheu et Aakapa est une piste praticable en 4×4 avec même des sections cimentées. Mais à partir de là, jusqu’à l’aéroport au nord ouest de l’île, elle devient cahoteuse difficile par endroits.

Nous avons même dû traverser une rivière en voiture.

Adrien dans la voiture : Papa t’es en 4×4 là ? Ouiii ?!! t’as pas le 5×5 parce que là…

La zone est déserte, avec des paysages époustouflants, alternant des baies, des pics et des plateaux où nous cheminons dans un couloir d’herbes sauvages. Mais après un orage nous ne sommes pas mécontents de retrouver la route cimentée de l’aéroport.

Le retour au bateau passe par le plateau de Toovii. C’est un vaste plateau planté de conifères et de résineux, avec des prairies où paissent des bovins, des nappes de brouillard…on pourrait se croire en Savoie !

Les animaux sont en liberté et les sorties de virages sont parfois surprenantes : s’il te plait, tu nous laisse passer ? il a finit par accepter… J

 

Euh !! là on ne discute pas on passe…

Retour sur Ylang, fatigués mais la tête pleine d’images époustouflantes et tellement différentes.

Deux jours plus tard, nous partons avec Ylang pour la baie au sud est de Taiohaé : Hakaui. Le matin nous voyons arriver Oboé d’Amor, bateau avec lequel nous avons passé 8 jours aux Galapagos. Petit blabla, repas chez Henri et nous voilà partis. Après une heure de navigation tranquille nous arrivons dans une baie…bondée. Là où nous pensions trouver 2-3 bateaux, nous sommes 17 !! obligés de se mouiller devant la plage où nous nous ferons dévorer par les nonos.

Vue coté pile, vue coté face…l’angle de vue change tout J.

La vallée d’Hakaui n’est accessible qu’en bateau, et il y a une ballade en remontant la rivière jusqu’à la cascade de Vaipo.(qui parait-il est la 3ieme plus grande cascade du monde !)

Dès le lendemain nous partons pour la ballade, mais il pleut de plus en plus et après une bonne douche nous battons en retraite.

Heureusement le temps pluvieux ne dure jamais longtemps et c’est sous le soleil que nous ferons cette ballade le jour suivant.

Nous avons décidé de passer directement avec l’anexe dans l’embouchure de la rivière, mais c’était un mauvaise idée car la marée est basse et mes hommes ont galèré pour mettre l’anexe en lieu sûr.

 

 

 

Nous suivons une vallée qui est plantée de toutes sortes d’arbres fruitiers et une rivière d’eau douce et fraiche coule en permanence.

Nous remontons dans une végétation dense, et traversons plusieurs fois la rivière.

Après 2h de marche nous arrivons dans une sorte de couloir, impressionnant.

Et au fond du couloir J la cascade Vaipo haute de 350m.

La cascade a creusé dans la roche verticalement une sorte de gouttière et se retrouve en partie cachée ! mais surtout il y a dans le bassin un groupe d’une quinzaine d’américains qui hurlent. Nous ne mettrons pas un pied dans l’eau et nous enchainons la descente.

En bas de la vallée habitent une quinzaine de personnes dont une seule famille. C’est chez eux que nous mangerons, Kua faisant des repas de temps en temps pour les touristes. Nous arrivons vers 14h après un premier groupe d’américains. Du coup après le repas nous pouvons discuter avec Kua et Teiki.

Ils sont agriculteurs, ont repris un terrain de famille et même si c’est pas toujours simple, ils préfèrent cette vie à celle qu’ils vivaient avant (A Taiohaé, avec des boulots « classiques »). Nous leur acheterons des citrons, papayes, pamplemousses (délicieux), …mais d’une variété étrange J.

Matio leur fils est là :on est en vacances scolaires (il va à l’école à Taiohaé et rentre chez ses grands parents, la semaine). Le courant passe entre Matio et Adrien et le rdv est pris pour le lendemain matin , Adrien avec son skimboard et Matio avec son surf. Les enfants s’éclatent pendant que nous sur la plage nous nous faisons dévorer par les nonos.

Après un bain dans la rivière des enfants pour se dessaler, Kua nous entraine , elle veut nous montrer un documentaire sur son frère. Elle a un ordinateur qu’elle peut mettre en charge grâce à des panneaux solaires( Jean Paul O leur a laissé ses anciens panneaux). Son fère est le chanteur et fondateur du groupe Takanini. Ils ont eu le prix des meilleurs chanteurs de Polynésie. Le son est un mélange de reggae et de musique tahitienne. A travers ses chansons, il parle du mal être marquisien/polynésien, de leur recherche d’identité. Et pour appuyer leur propos, il y a des interviews, avec des personnes que nous avons rencontré : Henri, Yvonne et d’autres rencontrés chez Henri. Grâce à ce petit film nous comprenons mieux certaines tensions, même si la gentillesse des gens les masquent.

Nous lui achèterons un CD et un Tshirt de Takanini.

 

Le poste qui coute le plus à Kua et Teiki est le transport de leurs fruits et de leur coprah à Taiohaé (d’où l’Aranui et le Taporo les goélettes les chargent et les transportent jusqu’à Tahiti).

J’aurais adoré leur donner un coup de main, en leur faisant un transport avec Ylang, mais les nonos (sorte de petite mouche qui pique comme un moustique) ont eu raison de mes bonnes intentions. Les 3 nuits suivantes notre weekend à Hakaui, nous aurons du mal à dormir avec plusieurs dizaines de piqures, malgré les anti histaminiques !!

Nous allons reprendre notre route, Ylang (et Martial) piaffe d’impatience. Un dernier repas chez Henri, (où Henri nous offre un régime de bananes, comme cadeau d’aurevoir), où chacun nous dira un très gentil adieu.

Merci à tous ces marquisiens de nous avoir fait aimer leur île.