Nous avons une petite fenêtre météo où le vent est plus Est (habituellement le vent dominant est plutôt Sud Est comme notre route), et nous en profitons pour rejoindre Tahuata où nous passons la nuit. C’est au cours de ce trajet que notre compteur de milles indique que nous avons fait 20.000 miles avec Ylang ! Que de souvenirs …
Mais la fenêtre s’avère très courte et nous partons dès le lendemain matin pour Fatu-HIva.
C’est l’île la plus sud des Marquises et la plus isolée : elle n’a pas d’aéroport et les 500 habitants de l’île sont ravitaillés seulement par les goélettes. L’île est formée par 2 volcans imbriqués dont l’un culmine à 1000m. Ses falaises escarpées la rendent peu facile d’accès et elle a seulement 2 baies accessibles sur sa cote ouest.
Nous nous dirigeons vers Hanavave au Nord Est.
C’est un village blotti au fond de la mythique baie des Vierges. Son nom se retrouve dans tous les récits des « tour-du-mondistes », elle est souvent qualifiée de plus belle baie du monde et a bercée mes rêves quand la vie citadine m’immobilisait.
A notre arrivée le temps est un peu gris et j’avoue que nous ne la trouvons belle mais pas extraordinaire cette baie…est ce que nous commençons à être blasés ?
Mais les jours suivants au coucher du soleil, nous découvrons qu’elle s’empourpre et que les pitons prennent des reflets mordorés.
Pour l’anecdote l’appellation de cette baie aurait été débaptisée par les missionnaires, préalablement surnommée par les marins « baie des verges » en raison du relief évocateur de ses pitons de basalte.
A notre arrivée, nous retrouvons Daniel sur Goyave que nous avions rencontré au Panama. Il nous indique la limite à ne pas dépasser pour jeter notre ancre.
Le village se loge au débouché d’une vallée encaissée.
A notre descente à terre nous sommes plongés dans une atmosphère de paradis sauvage (malgré la présence de téléphones portables, de 4X4 rutilants et de wifi). Le village est propré et les gens souriants et accueillants.
Nous rencontrons Poy. Après une petite discussion, il nous entraine chez lui et nous montre les sculptures qu’il réalise dans de l’os. Nous sommes impressionnés par la qualité de son travail. Fatu Hiva est une île où l’artisanat est de haut niveau. Je lui achèterais plus tard un pic à cheveux.
Les jardins sont bien entretenus et débordent de fleurs. Mais ce qui me frappe, c’est que les dames portent le Kumu hei, petit bouquet parfumé qu’elles fixent dans leur chevelure. Cela sent très bon quand on passe à proximité et je suis touchée de voir que bien qu’au bout du monde et certainement grand mères(les jeunes ont déserté l’île pour trouver du travail) elles gardent leur coquetterie.
Il y a aussi au mouillage « Equinoxe » un Lagon 500 avec Muriel et Jean Jacques que nous avions croisé à Makemo. Nous convenons de partir ensemble nous balader jusqu’à la grande cascade.
Nous suivons au début la seule route de l’île (qui relie les 2 villages Hanavave et Omoa)
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Puis un chemin luxuriant
Et la récompense au bout d’une heure de marche
Les jardins débordent de pamplemousses et de citrons et certains habitants nous indiquent des champs délaissés par leurs propriétaires où nous pouvons nous servir !
L’île est en émoi : l’Aranui va passer en fin de semaine. Tout le monde se prépare : on cueille des pamplemousses et des citrons, on met le coprah en sacs (pour les expédier à Papeete), on fignole les pièces d’artisanat (l’Aranui est un cargo mixte : marchandises et passagers). Un tiki sculpté dans une nacre :
Un matin, une barque s’arrête à l’arrière d’Ylang : ils sont partis ce matin à la chasse à la chèvre. Elles sont en liberté sur l’île, mais comme il n’y a pas de route c’est par la mer que les hommes chassent. Ce matin là ils ont tué 7 chèvres, dépecées sur place, les morceaux sont empilés au fond de la barque. Ils veulent nous vendre un morceau. Moi en bonne citadine, je ne cuisine que de la viande en barquette L et au vue de cette boucherie j’ai un haut le cœur.
Le jour de l’arrivée de l’Aranui, nous partons en annexe au village voisin : Omoa. C’est jour d’animation, toute l’île s’y regroupe, pour essayer de vendre son artisanat, ses fruits ou récupérer de la marchandise.
Nous faisons le tour du marché artisanal et achetons des protèges passeports en Tapa. C’est à Fatu Hiva que l’on a conservé le savoir faire ancestral du tapa. Autrefois la technique du tapa, pratiquée dans toute l’Océanie, permettait de confectionner des étoffes non tissées à partir de différentes écorces. Les écorces de jeunes troncs sont trempées dans l’eau pour les assouplir. Les lamelles d’écorce d’environ 15cm sont placées sur une enclume de pierre et martelées pendant des heures avec un battoir (en bois de fer, très dur). Elles s’amincissent et s’élargissent progressivement. Après séchage, elles peuvent être ornées de différents motifs traditionnels.
Sur le chemin du retour nous admirons les falaises couvertes de verdure.
La cote est très découpée
Dans l’après midi l’Aranui vient se mouiller derrière Ylang et nous assistons au débarquement des marchandises et des touristes.
Le petit port habituellement calme déborde de monde et les artistes locaux ont dressé des tables tout autour pour présenter leurs œuvres. .
Nous ferons 2 plongées derrière cap voisin : une avec Jean Jacques d’Equinoxe et une avec Adrien.
C’est un petit tombant qui abrite pas mal de vie : murènes, banc de bécunes etc…
Sans être mémorables, elles ont été très agréables et Adrien est sortit enchanté !
Nous faisons de petites ballades autour du village : une petite cascade, que Martial et moi chercherons, sans jamais la trouver (ici pas de balisage) mais nous surprenons un oiseau aux ailes très finement dessinées. (je pense que c’est un Ptilope de la famille des pigeons et tourterelles)
En redescendant nous bavardons avec un couple : ils ont un Pb avec leur « femme française » nous disent-ils avec un sourire en coin. En effet c’est le nom que donnent les marquisiens à leur machine à laver !! Nous rions aussi. Il leur manque un fusible. Martial leur amène les plus approchants que nous ayons en stock et ils nous offrent en échange un régime de bananes et un paquet de délicieuses bananes séchées. Troc avantageux pour nous !
Muriel d’Equinoxe compare les Marquisiens à des dauphins. Ils donnent l’impression d’avoir assez facilement le strict nécessaire (les fruits poussent à profusion, le pêche et la chasse sont assez faciles) et du coup avoir du temps pour gratter un ukulélé, chanter, rire …et sculpter. J’aime bien cette comparaison.
Mais le temps presse (Adrien à son TPE du bac français à passer) et nous devons repartir pour Tahiti. Le capitaine est grognon : nous sommes fin février, la saison cyclonique finit fin Mars, il n’est pas chaud pour partir vers le sud….
Nous quittons donc avec beaucoup de regrets les Marquises (elles resteront un moment très fort de notre voyage), un peu d’appréhension (pour la météo), et avec dans la tête le cri de leurs guerriers : ouille ! ouille ! ouilliaaaaa
Après 3.5 jours d’une navigation douce mais lente (on se traine parfois à 4 nœuds) nous arrivons devant Ahé vers 1H du matin. Nous préférons zoner devant l’atoll jusqu’au petit jour plutôt que de risquer de naviguer dans un lagon mal balisé.
Il faut environ 1h de navigation dans le lagon pour arriver devant le village principal : Tenukupara. L’atoll fait 20km de long sur 10 de largeur. Il n’est pas très grand, du coup les habitations sont disséminées sur le pourtour du lagon. Il y a 100 personnes au village principal et 500 tout autour de l’atoll. Pas mal de barques en alu qui vont et qui viennent d’un endroit à l’autre…les gens se rendent visite d’un bout à l’autre de l’atoll.
Le mouillage se fait derrière un petit récif de corail à l’intérieur de l’atoll !
C’est ici que vécu Moitessier pendant 7 ans. Il essaya de « former » les gens à planter et cultiver mais la culture des perles a pris le dessus et il ne reste pas grand-chose de son passage ici.
Nous sommes samedi, et leur générateur est en panne. Il n’y a donc pas d’électricité et pas de wifi. Nous décidons de faire le tour de l’Atoll vers les hôtels au nord qui prendraient, parait-il leur wifi de l’atoll voisin Manihi. Nous faisons une pause à l’aéroport. Il fait gris et c’est dommage car il y a du sable blanc et le lagon doit être magnifique avec plus de lumière.
Pas de réseau non plus devant les pensions et nous finissons par jeter l’ancre, non loin d’un club de plongée.
Dans la soirée nous essuyons un grain avec des rafales à plus de 40 nœuds et des pluies violentes : impressionnant et stressant. Heureusement Ylang est solide et nous avons une bonne ancre (merci Spade …)
Le lendemain nous allons voir Gilles le responsable du club de plongée. Il nous donne gentiment la météo, nous parle de sa vie. Il est arrivé en voilier il y a 3 ans, il est tombé amoureux de l’endroit et a crée sa propre structure.
Nous repartons vers le village à travers les fermes perlières
et leurs champs de mines.
Nous profitons d’une petite fenêtre météo pour aller à Rangiroa.
Nous y passerons une semaine sous des pluies diluviennes, plus de réseau téléphone et pratiquement plus de wifi !!
Nous sommes en bordure d’un phénomène météo centré sur Tahiti, où il y aura des dégâts liés aux fortes pluies. Comme toutes les « bonnes » choses ont une fin, nous partons un matin en même temps que les 2 autres catamarans présents. Le vent tombe après notre passage entre les 2 atolls (Rangiroa et Tikehau) et c’est au moteur que nous ferons l’essentiel de notre traversée !
L’arrivée à Tahiti, déjà bien industrialisée, est cette fois ci saisissante : en plus de troncs d’arbres, de branches et de noix de coco, toutes sortes de chaises, plastiques, poubelles ont dévalés des rivières et flottent dans le lagon. Un peu dur le retour à la civilisation ….
Martial reste avec Ylang pour le carénage et toutes les réparations, Adrien et moi rentrons en France. Je retourne au boulot (et « accessoirement » je fais réparer mon genou qui bloque de plus en plus) et Adrien prendra des cours intensifs pour compléter son année de cned.
Deux mois de pause dans notre voyage, pour mieux continuer…