Nous retrouvons Ylang Ylang avec beaucoup de joie, après une longue absence. A l’intérieur tout est propre, pas de traces d’humidité. A l’extérieur : le pont est plein de poussière et sous la flottaison c’est un festival de coquillages, d’algues, d’éponges, de petits crabes et crevettes. 4 jours de nettoyages et de remplissage de frigo et congélateur et nous voilà prêt.
Nous avions envoyé un mail à Dino (notre agent) depuis la France pour lui donner rdv. N’ayant pas de nouvelles nous le faisons appeler par la capitainerie (c’est un truc que je conseille à tous les bateaux : passer par la capitainerie, fait réagir Dino, trop craintif de perdre son image). Dino arrive donc en prétextant une panne de son système informatique !!..Il s’occupe de notre « zarpé » (sorte de laisser passer pour se déplacer d’une ville à l’autre en Colombie) c’est promis il nous l’amène la veille de notre départ. A notre question combien cela coûte, il répond « rien du tout, c’est compris dans les frais d’entrée ». Il nous donne rdv le lendemain matin pour aller à la banque avec lui pour racheter un « cruising permit ». C’est une taxe que l’on paye que l’on navigue ou pas et qui n’est valable que 2 mois. Le notre est dépassé, nous devons en reprendre un.
Le lendemain, Dino a regroupé 4 à 5 bateaux et emmène tout ce petit monde au 14ieme étage d’un immeuble prendre un papier, puis dans une banque payer et faire tamponner notre fameux permis. Le coté positif est que je rencontre d’autres navigateurs avec qui nous bavardons. Le coté plus noir de l’histoire est que je me rends compte que le papier que je viens d’avoir, tamponné par la banque n’a rien à voir avec le premier permis que nous a fournit Dino !! et en regardant de plus près, le premier n’a aucun tampon !! ce n’est pas le même papier…je comprends maintenant pourquoi il a mis tant de temps pour nous le fournir, pourquoi il a une faute d’orthographe et surtout pourquoi il ne nous propose pas de prolongation de permis…je pense que le premier permis n’a jamais existé officiellement malgré le fait que nous l’avons réellement payé !!
Le lendemain, n’ayant plus aucune confiance en Dino je demande de confirmer le rdv à la capitainerie…et Dino est en avance ! A son habitude il sort 10 dossiers de sa sacoche (pour montrer qu’il est très très occupé), ensuite il sort le fameux zarpé, brasse les papiers de notre dossier, les range dans un ordre différent, rajoute des photocopies qui ne servent pas …et sort tranquillement un petit bloc de reçus et se met à nous en remplir un !! Mr Dino nous réclame 35$ supplémentaires (il bredouille une excuse bidon pour se justifier), et il a déjà remplit le reçu !! C’est à ce moment là précis que j’explose : trop c’est trop…et malgré mon anglais pour le moins imprécis, Dino a très bien compris qu’il fallait arrêter tout de suite de me prendre pour une idiote et repars sans ses 35$.
Nous quittons Santa Marta (après un plein de gazole) le lendemain matin direction Carthagène.
Nous servirons de taxi pendant 2 bonnes heures à une jolie aigrette.
Nous arrivons le lendemain en vue de Carthagène. De loin la ville est plus proche de Miami que du surnom qu’on lui donne : la Venise des Antilles.
Nous longeons le mur d’immeubles et nous prenons la première passe en venant du nord. Carthagène possède deux voies d’accès. La plus large des deux se nomme Boccagrande et la plus petite Bocachica. Craignant de ne pas assurer une surveillance suffisante sur Bocagrande, les Carthaginois construisirent un mur sous marin qui affleurait fermant ainsi l’accès de cette passe et obligeant les bateaux à emprunter la passe sud de Bocachica. Celle-ci par son étroitesse permettait un contrôle efficace des bateaux entrants.
Depuis plusieurs années les Carthaginois ont aménagé une brèche de 30m de large (et 5 de profondeur) nous évitant ainsi de faire le tour par le sud (raccourcissant la route de 13Milles). C’est la première fois qu’Ylang rentre dans un mouillage à travers la porte d’un mur.
La presqu’île de Bocagrande que nous contournons est aujourd’hui recouverte d’immeubles.
L’entrée du chenal est surveillé par une vierge et de son enfant
…et par des pélicans.
Nous avons du mal à trouver une place dans un mouillage très chargé coincé entre le club nautique d’un coté et le chenal et la marine colombienne(ses navires et ses sous marins) de l’autre.
Nous ne sommes pas très à l’aise. Encerclés par des immeubles, avec un mouvement incessant de bateaux qui visiblement n’ont pas de notion de limitation de vitesse dans un mouillage et qui sont conduits par des sourds : sono à tue tête.
Nous sommes mouillés juste à coté d’un bateau (Cadans) avec 2 Italiens avec lesquels j’avais sympathisé lors de ma sortie avec Dino pour notre permis cruising. Ils nous apprennent que tout est fermé pour 4 jours en raison de la plus grande fête de Carthagène. C’est ce weekend qu’à lieu l’élection de Miss Colombie et le final du concours de beauté coïncide avec la fête de l’indépendance. Les colombiens sont fous de concours de beauté, les magazines consacrent des numéros spéciaux, les municipalités sponsorisent leures candidates, des groupes réservent des bateaux…
et passent au ras de nos mouillages …tout le monde est sur le qui vive.
La capitainerie est fermée, impossible de faire des papiers d’entrée ou de sortie…
L’avantage de ce mouillage est que nous pouvons partir à pieds visiter la cité historique.
L’entrée de la ville se fait par le portail de l’horloge
Classée depuis 1984 au patrimoine de l’Unesco, Carthagène de Indias ainsi appelée pour la différencier de la Carthagène espagnole dont elle a pris le nom, fut pendant 4 siècles, le plus important port espagnol du nouveau monde. La cité, à l’arrière de ses murailles est une mosaïque de places, de demeures abondamment fleuries, de cathédrales…Aujourd’hui restaurée, elle est devenue « branchée » avec ses restaurants à la mode et ses façades anciennes abritant des hôtels, très touristique.
J’adore les couleurs qui rendent la vie plus gaie…et là je suis servie, toutes les couleurs sont mélangées et l’ensemble reste harmonieux et éclatant
Nous croisons des groupes très colorés aussi : attention zone touristique, photos payantes.
Le maquillage est aux couleurs de la Colombie, c’est la fête de l’indépendance.
Nous sommes étonnés de la proportion de gens type afro-caribéens, que nous n’avons pas rencontré à santa Marta et à Bogota. Ici certaines de ces femmes en costume traditionnel portent des paniers de fruits sur la tête et demandent de l’argent pour se faire photographier.
Sur une jolie petite place nous retrouvons une statue de Botero.
Nous sommes rentrés dans l’hôtel Sofitel, installé dans un ancien couvent Santa Clara. Le cadre est très beau et le personnel très accueillant (la serveuse parlait même français). Nous nous sommes offert un café qui ne nous est pas revenu très cher au regard des petites douceurs qui nous ont été offertes avec. Au milieu de la cours :
Au retour nous passons par « El portal de los Dulces » porte des bonbons, où se concentrent les vendeurs de friandises.
Ce n’est pas très loin que nous avons mangé et que nous avons découvert la limonade de coco : fait maison, super bon et super rafraississant par ces temps de chaleur…
Ensuite nous découvrons la plaza de la Aduana, c’est la plus grande place de Carthagène. Son nom rappelle les bureaux de douanes qui l’occupaient au 20ieme siècle.
Pour le plaisir encore quelques rues
Nous rentrons au bateau, mais la journée n’est pas finie : nous avons invité nos voisins italiens pour l’apéro. et deux jours plus tard nous irons manger sur leur bateau une super « pasta » ( miam ! je retiens la recette). Nous passons deux soirées avec des mélanges d’anglais, de français, d’italien à parler bateaux, voyages, parcours de vie, à rire…encore une très belle rencontre.
Nous avions décidé d’aller au « cerro de la Popa », la colline de la poupe. Point culminant de Carthagène (148m), elle tire son nom de sa ressemblance avec un galion espagnol, un paquebot échoué sur le toit.
Nous arrêtons un taxi : le prix est multiplié par 5 par rapport à Santa Marta !!! Conciliabule, et finalement c’est au 3ieme taxi au même prix que nous montons. Au sommet un monastère (entrée un peu chère : zone hyper touristique) et surtout une vue imprenable.
L’intérieur du monastère est moins intéressant et moins mis en valeur que celui du Sofitel.
La sortie nous ayant couté beaucoup plus cher que prévu (espèces obligatoires) nous rentrons au bateau les poches vides…après une limonade au coco tout de même.
Ce n’est que le lendemain que nous allons au fort de San Felipe de Barajas. C’est le plus important fort construit en Amérique par l’empire espagnol. Nous avons un audio guide en Français et nous comprenons ( !!!) l’histoire sans trop d’effort ! Carthagène est bâtie sur une ile et ce fort avait pour mission de protéger la ville et ses deux ponts d’accès.
Le château a été construit en 1536 par des esclaves et plusieurs fois agrandi, il est achevé en 1657.
L’escalier peint en rouge actuellement devait être détruit en cas d’attaque.
Le canon planté dans le sol servait de point fixe pour installer un treuil pour monter des diverses fournitures utiles au fort.
Ils espéraient que la vue de murs aussi hauts déstabiliserait les attaquants
Le fort a été conçu par un stratège militaire de l’époque et était formé de 7 barrières défensives, qui complexifiaient l’accès.
En dernier recours ils se retranchaient sur le haut du fort où était aménagée une citerne et des stocks de vivres, la ville se barricadait.
Il faut dire que juste derrière le fort il y avait des marécages et ils avaient passé des accords avec les moustiques. Ils attendaient tout simplement que l’armée attaquante soit disséminée par les attaques de moustiques !!
Il y a eu une fois où cela n’a pas marché car les Espagnols sont allés recruter au Venezuela leur « chair à canon » beaucoup plus résistants aux moustiques et le siège a duré si longtemps que la moitié de la ville est morte de faim.
Ils avaient une série de passages souterrains secret qui servaient à entreposer de la poudre et des vivres mais aussi conçus pour faire des guets à pan : un assaillant qui s’aventurait dans un de ces couloirs ne pouvait en ressortir vivant.
Au mouillage tous les matins nous voyons passer, ce que Martial a appelé le RER B : une navette qui emmènent les travailleurs (essentiellement noirs) vers le centre ville. Je ne pense pas qu’ils s’embêtent beaucoup avec des normes de sécurité, où sont les gilets ? un par personne ?
Et de temps en temps des pêcheurs à la rame, lancent des filets au milieu de ces mouvements incessants
Le contraste entre les deux mondes est saisissant.
Pour les marins :
Nous n’avons pas eu de vent, donc pas d’ancres qui dérapent, mais très chaud et avec le port de commerce tout proche, (en activité bruyante 24h sur24) des nuits difficiles.
Nous sommes arrivés à un moment spécial où la marina était en travaux et fermée. Donc nous n’avons jamais payé pour laisser notre dinghy au ponton, par contre c’était parfois difficile.
Il y a une superette à deux pas, un peu chère (par rapport à Santa Marta) mais très bien achalandée. Nous y avons passé pas mal de temps car au fond de ce supermarché il y a une petite cafétéria et un wifi gratuit très rapide. (30mn gratuit maisen fait illimité en recommençant une nouvelle session). Cet endroit remplace un peu le club house où tous les marins se croisent: c’est climatisé, on peut boire, et le wifi est de bonne qualité.
L’agent ici pour le départ est « la sœur de Gladys » qui est charmante, claire. Nous avons payé 110$.
A Santa Marta un agent de la douane était venu nous rendre visite pour nous expliquer que sur certains achats (alimentaires par exemple) nous pouvions récupérer la TVA locale (de 16%). Nous avons consciencieusement gardé nos reçus et remplit les papiers, nous sommes allés dans les bureaux de la douane en compagnie de « la sœur de Gladys », elle a essayé de leur expliquer, ils n’ont rien voulut savoir…pas envie de travailler…
Au final entre les deux permis de cruising, les deux agents, les formalités en Colombie nous sont revenues à 350€, ce qui permet à la Colombie de remporter la palme du pays le plus cher…record qui risque d’être battu par Panama d’après mes infos L.
Nous sommes contents de quitter Carthagène, sa chaleur, son bruit et ses eaux marrons. Il nous a fallu 1h 30 pour atteindre la passe sud Bocachicca et retrouver des eaux bleues.
Petit fort surveillant Bocachicca
Nous nous dirigeons 10 milles au sud vers le petit archipel de Rosario. Nous y passerons une nuit. A notre arrivée, 2 jeunes en barque viennent nous tracer le chemin pour éviter les patates de corail …et nous demandent 10$.
C’est là que les riches Carthagénois viennent passer leur weekend, chacun sur son îlot.
Il y a même un parc à poisson
Le lendemain nous partons 36 milles au sud vers San Bernardo. Les cartes sont très imprécises et comme nous cherchions un mouillage, un bateau vient pour nous placer. Echauder par l’accueil de la veille nous restons assez froids, mais ici on s’est éloigné des grands lieux de tourisme, l’ambiance est différente. L’homme nous souhaite la bienvenue, et nous propose de venir le voir dans son village.
C’est curieux, les gens sont regroupés et entassés sur la plus petite île Islote.
Il y a ici apparemment 1200 personnes qui vivent et leurs ancêtres ont quitté la grande île voisine car avec ses marécages ils l’appelaient « la mère des moustiques ».
Aujourd’hui sur les îles voisines de Mucura et Tintipan il y a des demeures de riches Colombiens ou des hôtels et cela assure un revenu à la moitié de l’île.
Les gens vont et viennent autour de nous, à la rame ou à moteur, en nous disant bonjour gentiment avec la main.
Nous sommes pressés par le temps et c’est avec regret que nous quittons notre mouillage, le lendemain sans contact avec la population.
Sur le chemin du départ nous croisons une magnifique petite tortue…morte malheureusement, sans cause apparente.
Nous quittons la Colombie avec la sensation d’une visite à compléter. La richesse de son histoire, la gentillesse de ses habitants ont rendu notre séjour très agréable.
Lever de soleil sur des îlots en face de Isolate.