Nous partons de Portobelo le matin même du passage du canal. La mer est belle, le trajet est agréable sous génaker. Nos nouveaux équipiers Marie-Noëlle et Didier ont l’air d’apprécier la ballade.
Nous avons rdv avec info info à Shelter Bay pour récupérer 8 grosses défenses et 4 gros bouts (= cordes de marins pour ceux qui ne le sont pas). L’étape suivante est de se rendre sur le flat pour attendre le pilote. (2Milles de la marina)
LE FLAT : Il n’y a aucune possibilité de débarquer à terre, pas de moyen de communication… C’est la salle d’embarquement du canal. Cela donne un peu l’effet d’être prisonnier dans son bateau au milieu des cargos. A tribord, les cargos déchargent les containers, pas très loin du mouillage et à bâbord les cargos pour le passage du canal passent en levant des belles vagues.
Eh !! il y en a qui trichent pour passer le canal….on a les nomsJ.
Nous arrivons sur le flat vers midi et notre pilote arrivera vers 18h. Nous faisons un peu plus connaissance avec Didier et Marie-Noëlle qui ont pleins de savoureuses histoires de voyages à nous raconter.
Martial et Didier attachent des cousins sur les panneaux solaires. Sur les quais du canal, il y a des hommes qui vont nous lancer des pommes de toulines (sorte de grosse boule faite en cordages) auxquelles nous devons attacher nos amarres. Une pomme de Touline mal lancée peut endommager un panneau solaire ou l’éolienne. Mais la vraie parade est de se tenir en avant du mat pour les réceptionner, loin des appendices fragiles.
Il fallut attendre 1880 et l’audace française (ça il fallait le dire tout de mêmeJ) pour tenter de réaliser un passage au sein de l’Amérique centrale avec Ferdinand de Lesseps (oui celui là même qui a construit Suez). Les maladies et la corruption eurent raison de ce projet au bout de 20ans. La reprise de flambeau par les Américains fut une totale réussite. Je ne vous détaillerais pas l’histoire de la construction du canal, il y a de nombreux écrits la concernant.
Fin des travaux : 1914
Prix total : 388 millions de dollars (de l’époque)
Prix en vies : 27 000 (un des talents de l’équipe américaine est d’avoir engagé une grosse équipe médicale, compétente qui a su bloquer la fièvre jaune et la malaria)
Nombre d’écluses : 6
Nombre de m3 d’eau dégagés : 259 millions
Durée du transit par bateau : 8 à 10 heures
Bateaux en transit : 14 000 par an (une moyenne de 40 navires par jour)
Distance de Colon à Panama City (lac Gatun inclus): 80 km
Dénivellation totale en 3 écluses : 26 mètres
Largeur des écluses : 33 mètres
Longueur des écluses : 300 mètres
Poids d’un battant de porte : 70 tonnes (forme conçue pour flotter)
En 1979 commence le processus de cession du canal à l’état Panaméen. En 2006 les panaméens votèrent par référendum l’extension du projet qui devrait permettre le passage de navires beaucoup plus grands.
Le cout moyen d’un passage est de 100 000$ (toujours moins cher qu’un passage par le Horn qu’ils disent !)
Couts de passages records : 419000$ pour un bateau de croisière et 0,36$ pour Richard Halliburton qui a passé le canal à la nage !
Comme promis vers 18h, arrivée de notre pilote. Il s’appelle Roy cela fait 30ans qu’il fait des transits… il doit bien connaitre !
Au début il est un peu décontenancé quand Martial lui dit que ce sera moi le barreur, mais en fin de parcours il n’arrête pas de me lancer des fleurs (il parait que c’était mieux que certains hommes…c’est direJ).
Roy nous explique que nous passons derrière un porte-containers qui est très chargé et qui avance lentement. Il nous fait donc partir en dernier, très lentement et il a bien raison.
Il me répète que lui est payé pour stresser et moi je peux me détendre…ouah !
Nous passons 3 bateaux de front : 2 catamarans et un monocoque.
Nous amarrons les 3 bateaux ensemble avant de rentrer dans l’écluse et nous ferons les 3 écluses jusqu’au lac de Gatún ainsi. Nous sommes sur le coté babord (gauche) du groupe de bateaux, et du coup nous aurons besoin des amarres seulement sur babord. Martial et Didier s’y collent, Marie Noëlle et Adrien appareils photos en mains couvrent l’événement.
Ca y est nous rentrons dans la première écluse. Envoi des pommes de toulines, Martial accroche notre amarre, qui sera récupérée sur le quai tout la haut et fixée sur une bitte d’amarrage.
les portes de l’atlantique se ferment.
Ensuite l’écluse se remplie…une petite vue sur notre sondeur (il y a 12m quand on arrive dans l’écluse et 21m quand les opérations sont finies !)
Autour des bateaux beaucoup de remous.
Au fur et à mesure que nous montons, nos deux handliners Didier et Martial doivent retendre les amarres.
Le canal a deux voix en parallèles et quand un coté se remplit, l’autre se vide.
En fin d’opération la première marche est déjà impressionnante.
Nous passerons ainsi 3 écluses, et la 3ieme ouvrant sur le lac Gatún a une double porte.
Voici quelques photos prises par Marie Noëlle et Didier qui étaient venus « visiter » les écluses de jour.
Le dénivelé est encore plus impressionnant de jour.
C’est vrai qu’il est un peu juste ce canal…quelqu’un a un chausse pied ?
A l’arrivée sur le lac Gatún nous nous désaccouplons. 20mn de nav’ nous arrivons à la bouée où l’on doit passer la nuit. Il n’y a que deux bouées, (le mouillage est de toutes façons profond). Nous serons donc 4 bateaux sur la bouée !! Heureusement qu’il n’y a pas de vent ! Roy nous quitte. Nous ne tardons pas à dormir, la journée a été longue…
Le lendemain j’ai l’impression d’être dans un port.
Le rdv pour réceptionner le nouveau pilot est à 6h30 !dur dur, le réveil. Didier pour qui c’était un rêve de se baigner dans le lac Gatún se met à l’eau au réveil, entrainant Martial. Eau douce à 30°C ! un plaisir. Mais je ne veux pas aller à l’eau, nous attendons le pilote incessamment sous peu….qui arrive à 8h !! je suis un peu en colère, on aurait pu dormir plus et se baigner tranquillement.
Le nouveau pilote est jeune, pas méchant (heureusement) mais un peu insipide, sans discussion et quasiment inutile.
Nous partons rapidement vers le Banana Channel qui est en fait un raccourci (champêtre) réservé aux bateaux de plaisance.
Le lac Gatún a été formé par un barrage de 2,4km. Au moment de sa construction c’était le plus grand barrage du monde. Le lac couvre une surface de 423km2, se trouve à 32m au dessus du niveau de la mer.
C’est une réserve et seule une île est occupée par des scientifiques.
Après le Banana Chanel,nous rejoignons le canal où passent les cargos.
Ils sont en train d’élargir le canal pour permettre aux supertankers de se croiser sans Pb et partout nous croisons des engins venus d’une autre planète.
Et voici le petit dernier de la famille, qui a encore du mal à naviguer correctement.
Adrien se tourne vers moi et me demande d’un coup : tu connais le comble pour un remorqueur ?
De se faire remorquer, évidement …
Nous approchons du pont du Centenaire.
Les entailles faites dans la roche à ce niveau sont impressionnantes.
Pour avoir idée de l’échelle, il faut regarder le semi-remorque qui passe sur le pont, à coté du poteau droit.
A cause du manque de clairvoyance de notre pilote, nous avons mangé le traditionnel rougail saucisses avec un total manque de savoir vivre d’après Didier : les femmes et les serviteurs AVANT les hommes-capitaines !
Nous nous sommes relayés à la barre alors qu’1/4 h plus tard, nous étions attachés à une bouée à attendre que les autres équipages mangent !
Après le repas les équipes de bateaux se reforment (pour nous les mêmes que la veille, on ne change pas une équipe qui gagne !).
Et nous nous présentons à la première écluse descendante Pedro Miguel.
Un Panamax (bateau de la taille maximum que peut accueillir le canal) est déjà dans le canal montant. Il est tenu par des « mulettas » des petites locomotives qui tirent les cargos et autres portes containers dans les écluses.
Et de notre coté, les lanceurs de pommes de touline sont prêts.
Cette fois ci nous sommes avec un groupe de 3 autres voiliers dans l’écluse
Nous descendons, le Panamax monte. Du coup cette fois Didier et Martial lâchent les amarres au fur et à mesure.
Nous avons un petit lac à traverser pour arriver à la dernière écluse Miraflores.
Dernière écluse, dernier lancé de touline.
Dans cette écluse nous nous sentons observés : il y a un bâtiment avec beaucoup de monde au balcon qui regardent les bateaux passer et nous faisant des signes.
Mais surtout il y a des caméras qui filment l’écluse. Franck et Mickael sont derrière leur ordinateur en France et nous regardent, nous faisons de grands signes pour qu’ils nous situent…et ce sont les gens sur les balcons qui nous répondent !
Malheureusement les images sont minuscules et on peut à peine nous reconnaitre
Mais ils étaient avec nous le temps d’une écluse et cela nous a fait plaisir.
Miraflores est une double écluse, et certains profitent de la fermeture de portes pour changer de rive.
C’est Martial qui nous ouvre les portes J …trop fort mon capitaine.
Encore une marche et la dernière porte s’ouvre sur le Pacifique.
Les premiers à nous accueillir sont les Pélicans.
Nous naviguons maintenant librement.
C’est Adrien qui prend la barre pour passer le pont des Amériques.
A la sortie du pont nous rendons le pilote, les bouts et les défenses et nous nous dirigeons vers la Playita. C’est un port qui fait partie d’une des 3 îles qui ont été reliées au continent avec les déblais enlevés lors de la construction du canal.
En longeant ce qui est maintenant une presqu’île nous apercevons Panama city.
Marie-Noëlle et Didier nous ont amené une très bonne bouteille de champagne et nous fêtons notre arrivée dans le Pacifique.
Merci à tous les deux pour votre aide, votre bonne humeur permanente, cela a été un plaisir de partager ce passage avec vous.
Et merci à Marie-Noëlle pour ses photos.
Petit bilan du passage du canal
Il y a deux blogs qui décrivent très précisément le passage :
– http://etoile-de-lune.net/edl/panama/index.html
passage en 2010, très détaillé
– http://moana.blogs.stw.fr/canal-de-panama.html
passage en juin 2014 avec le même agent que nous
Nous avions beaucoup lu d’infos pour ce passage, de messages un peu inquiétants. En fait cela a été facile, sans l’ombre d’un problème. Les remous dans les écluses sont impressionnants mais ne déstabilisent pas les bateaux.
Beaucoup de questions sur la vitesse du bateau… Nous avons navigué dans le lac Gatún tranquillement à 6,5 nœuds et sommes arrivés en avance à l’écluse. L’administration du canal gère très bien les groupes de bateaux en fonction de leur taille et de leur vitesse.
Le système est bien rodé et est fait pour laisser de la marge : on nous impose 4 bouts et 4 handliners mais la plupart du temps 2 suffisent.
On nous avait fait la leçon sur les repas et l’eau capsulée que nous devions servir aux pilotes. En fait ils ont mangé et bu comme nous et semblaient en être satisfaits.
Il était question que nous ayons tout à payé en cash avec ce que cela suppose de jongleries bancaires, nous avons tout payé à notre agent en CB. Nous n’avons pas non plus eu de caution à déposer.
Bref ce fut deux jours assez faciles et agréables.
Nous avons payé à Eric Galvez notre agent:
-passage 800$
-inspection. 54$
-security fees 130$
-défenses et bouts 60$
-frais bancaires. 60$
-agent Info Info. 350$
-sortie de Panama. 35$